Béatifique

À force de se rassurer de leurs propres naufrages, ils ont commencé à croire qu’ils pouvaient réellement animer les courses célestes, celles qui voguent sans conscience des débats que l’humanité porte en elle-même. Dans le confort de l’aveugle devant le carnage, Ils dansent sur des airs frénétiques, drogués par des substances bien plus prenantes que l’héroïne ou l’amour. Et l’ennui possessif les incite même à sourire comme des rescapés qui fuient le précipice. Ils se vautrent en eux-mêmes, ayant tout de même la démence de feinter d’apprécier l’autre dans l’espoir que l’autre en fasse autant, chacun se flatte la nuque en croyant que la main appartient à l’autre. Ainsi les constellations tournent toujours un peu moins vite, le regard braqué sur moi. Et ils redoutent d’avoir mêlés l’origine et le cul-de-sac et ils s’en foutent à la fois parce qu’ils dansent plus vite que leurs changements d’émotions, sur des airs frénétiques, drogués par des substances plus convaincantes que l’âme qui prie aux larmes, submergés par des hymnes plus retentissants que l’amour simplifié à son expression la plus sincère.

Quand tu parles

Tu craches tout le temps quand tu parles
Sur les morts, sur les blessés, sur les peuples
Ça pue le cadavre d’orignal quand tu parles
Ça sent la dictature, ça sent la guerre civile

Ton sourire de soldat trop fier cache plus rien
Les enfants braillent quand tu parles
Les lettres pourrissent dans ta bouche
Et même les plus beaux mots, même quand tu parles

d’amour

Tu l’égorges avec ta langue

Tollé

Tête braquée dans nos mondes de silicone
Hurlements déjantés, démembrés pour tout saisir
Avec nos bonbonnes bourrées de déception
Parle, écoute
Parle, écoute
Nos musiques, bruits de ventilateurs révoltés
Et nos tyrans qui frappent à coup de claviers
Morts depuis la connexion
Sueur brimée sur nos veines
Ébullition de ma fournaise
Le plastique qui fond, jusqu’à redevenir chaire
Ma mesure de justice qui vous pend
Je n’écoute plus
Je ne respire plus
Nos bonheurs, nos saloperies
Attachés au courant effréné
À nos vies simples et virtuelles
Je ne parle plus
Je retrouve la mort de moi
Mes naissances sauvages

Guerres après guerres

T’es là avec tes poings levés bien haut
Délicatement tu vas sortir tes crocs
Guerres après guerres, tu te les fais subir
Mais t’auras rien à mordre, rien que ta peau

Pendant qu’ils te regardent en proie
Je suis peut-être le seul qui te voit

À travers tes grands filtres pesants
Tu t’exposes en formats géants
Tiraillée entre la chute et le contrôle
Même plus d’espace pour prendre l’élan

Je me souviens à peine de ta voix
Et pourtant ma tête s’aligne sur toi

Bruyant dans le blizzard

Je t’invite à venir dégueuler tes phobies avec moi
On sera deux, on sera six et peut-être des trentaines
On braillera nos travers, nos cancers les plus salauds
Je te les arracherai avec mes dents branlantes si y faut
Tu me traîneras, moi pis mon orgueil, dans ta salle de bain
On sera deux, on sera huit, pis bientôt cent
Tu saisiras mes vices de ton harnais éclatant
On sera une douzaine à se sourire en chorale
Je te promettrai d’oublier toutes nos créances
Tu saisiras qu’on était à peine deux ou trois cennes rouillées

On sera quelques-un à s’émerveiller de nos grèves
On sera presque quinze avec l’oreille collée sur la tempe de l’autre
À se câller comme des chasseurs dans le blizzard
On y sera lentement, à force d’enfourcher nos angoisses